• Les cris, les couches et les tétées auraient pu être contrebalancés par les adorables câlins que Judie donnait et recevait de son petit Cloud. Voir monsieur J gouzi-gouziller son fils était également une grande source de bonheur. Mais lorsque Judie devait se lever la nuit pour s’en occuper, elle redevenait une petite vieille aigrie à chaque fois. Bon, disons une petite jeune aigrie. Le comportement qu’elle avait à notre rencontre avec elle reprenait simplement le dessus. Il fallait dire aussi qu’elle manquait de sommeil, que son mal de crâne n’était pas en reste, et qu’elle devait également se démener au boulot. La vie dans sa banalité ? Tout à fait. Mais pour Judie, ç’avait tout d’un enfer.

    Alors de temps en temps, Judie s’autorisait de passer un repas dans un des espaces publics du quartier. Et seule, de préférence, histoire de laisser exprimer son agacement librement.

     

    Chapitre 10 - les tambours

     

    Au bout de trois longs jours de bataille avec son moi intérieur afin de ne pas craquer, tout en essayant de ne pas ressasser le refus de monsieur J quelques jours auparavant, elle put assister à  la sortie de Cloud de son berceau. Le petit tenait essentiellement de son père, mais avait de magnifiques yeux verts.

     

    Chapitre 10 - les tambours

     

     En tous cas, il ne lui fallut pas longtemps pour s’accoutumer au style de la maison et à comprendre que J était son père. Même regard, même expression. On était d’accord.

     

    Chapitre 10 - les tambours

     

    Le souci fut l’anniversaire surprise de monsieur papa. Oui, à force de chercher plus beau que lui, Judie avait  perdu un temps précieux.

    - T’avais qu’à pas faire ta difficile !

    - Roh, ça va hein. C’est fait, c’est fait.

    - Ah ça… tu crois qu’il va s’assagir avec l’âge, ton J ?

    - Qui sait. Ça a bien marché sur moi en sens inverse.

    - Tu reconnais avoir meilleur caractère ?

    - Un peu…

     

    Chapitre 10 - les tambours

     

    Pour l’aider, Judie se mit à l’entraîner dur dur aux échecs. Monsieur en avait besoin pour le travail, et elle était déterminée à le pousser le plus loin possible. Maintenant que Cloud pouvait se débrouiller (pour le plus gros en tous cas) par lui-même, elle avait un chouïa plus de temps à consacrer à ce genre d’activités qu’elle aimait tant. Et quelle enseignante elle faisait !

     

    Chapitre 10 - les tambours

     

    On pouvait constater, parmi les avancées révolutionnaires, que Judie pouvait maintenant faire cuire du poisson directement sur le grill. Si elle avait toujours peur d’y mettre le feu, au moins elle n’était plus en contact directement avec lui. Bonne chose ? A voir sur le long terme… Ce qui était positif avec cette façon de faire la cuisine, c’était la quantité de parts disponibles une fois le plat terminé.

     

    Chapitre 10 - les tambours

     

    - Heureuse de ne plus passer deux heures à faire cuire un malheureux poisson ?

    - Un peu mon n’veu !

    Si ce point positif était accordé, c’était sans compter sur monsieur J qui avait décidé de s’expliquer sur son refus. Peut-être pas une si bonne idée, pour Judie qui était enfin plus ou moins relaxée.

    - Mais c’est parce que j’étais tranquille avant ! Pas de contrainte, que des sorties, les filles étaient à mes pieds ! Ça me fait bizarre d’être responsable envers Cloud et toi.

    - T’as une famille, j’te ferais dire ! Si t’en voulais pas, il fallait me dire non dès le début !

    - Mais j’aime notre famille !

    - … Ben alors ?

    - Ben j’sais pas.

    - On est bien avancés dis donc.

     

    Chapitre 10 - les tambours

     

    Monsieur J avait agacé Judie. Mais l’attitude d’aigrie ne dura pas tant que ça. Son explication ne lui avait pas paru valable et puis, elle se mit à réfléchir un peu. Dans le fond, J parlait d’un changement trop grand et arrivé trop rapidement. N’était-ce pas ce dont elle avait elle-même souffert ? N’avait-elle pas un caractère particulier, avant de lentement changer ? Monsieur J présentait les mêmes symptômes. Alors elle ne lui en voulut pas beaucoup. Et puis, il avait indirectement exprimé des sentiments envers elle, en parlant de famille. Alors ça la rassurait.

    Surtout, elle ne pouvait pas se renfermer dans son énervement en le voyant faire ses étirements dans le salon.

    - Tu ne craquerais pas un peu pour lui ?

    - Pfff.

     

     

    Chapitre 10 - les tambours

     


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  • Le petit Cloud n’avait pas vraiment posé de questions concernant ses parents, sa maison, et son train de vie. Être né dans cet environnement avait eu le point positif que tout paraisse normal. Etait-il conscient de vivre dans un jeu ? Peut-être. Ou peut-être qu’il s’en moquait. Le seul réel souci persistait dans la plomberie douteuse de l’endroit. Vivre à deux avec des toilettes et des lavabos qui cassaient une fois sur trois, pouvait encore passer. Mais avec un enfant qui ne savait pas réparer derrière, c’était un poil plus compliqué.

     

     

    On ne pouvait pas vraiment en vouloir à Cloud. Même s’il cassait tout sur son passage alors qu’il n’avait fait que tirer la chasse avant d’avoir pu se vider la vessie (mais qu’on se rassure, il a pu profiter des autres toilettes), il restait quand même un enfant assez intéressant et surtout intéressé. Sans trop attendre, il s’est attelé à ses devoirs en prévision de la rentrée le lendemain. Bon, sauf à ce moment précis où il rêvassait plutôt qu’autre chose.

     

     

    Ah, déjà mieux. Soif d’apprendre ou joie de vivre, on ne savait pas vraiment. En tous cas, cet enfant n’était pour le moment pas réellement encombrant. Une chance pour Judie !

     

     

    A l’image de son père, Cloud avait même la classe en pêchant. Oui, il était tellement bien ce petit qu’il pêchait pour la famille pendant que maman et papa dormaient. Trop d’énergie à revendre ? Certainement, à cet âge-là !

     

     

    Et c’était dimanche ! L’occasion pour les Templeton d’augmenter un peu la capacité de leur sous-sol en achetant une nouvelle chaise et en agrandissant un peu la piscine.

     

     

    Pour la première fois, Judie s’essaya au tapis de course. Elle se sentait vieillir petit à petit et n’aimait pas l’idée de voir les kilos ajoutés par le jeu devenir réalité. Enfin, pas besoin de notifier qu’il s’agissait de sa première séance de sport, étant donné que l’action parlait d’elle-même.

     

     

    Lorsqu’on était une ex-petite vieille aigrie dont le comportement changeait, on n’appréciait pas forcément les nouvelles expériences, mais on se battait pour ses convictions. Heureusement pour nous, Judie était têtue. C’est donc sans surprise qu’elle remonta sur le tapis après être tombée. Plusieurs fois.

     

    Le reste de la journée fut consacré à la découverte du jeu par Cloud. Judie et monsieur ne manquèrent pas de lui expliquer en long en large et en travers de quoi il retournait, tout en lui faisant comprendre que de toute façon, il n’avait d’autre choix que de les suivre dans la partie. Mais le petit tenait bien de son père : des étoiles remplirent instantanément ses beaux yeux verts. Compétiteur dès le plus jeune âge ! Il lança donc les dés et fit un six, non double.

     

     

    Si monsieur J et son fils n’étaient pas très inquiets puisqu’étant souvent en plein dans la positive attitude, Judie était un peu plus concernée étant donné ses connaissances en matière de surprises venant du jeu. Mais elle se dit rapidement que ça ne pouvait pas être pire que ses voisins.

    En effet, la journée se déroula sans trop d’accrocs pour J qui revient même avec une promotion !

     

     

    Tandis que Cloud, agacé ou non, affichait le même air victorieux que son père.

     

     

    Seule Judie semblait ne pas avoir géré les choses très bien. Promue également certes, mais énervée.

     

     

    Pour se détendre un peu, elle décida d’inviter ses hommes à passer un petit moment dehors, histoire de se raconter un peu leur journée. Lorsque monsieur J invita Judie à commencer, elle ne répondit que par un grognement. Alors il enchaîna, supposant qu’elle préférait se délecter des leurs. Il s’avéra que monsieur J était en fait capable de laisser une jolie façade lui dicter sa conduite sur une grande période. En somme, aucun de ses collègues n’eut l’impression de l’agacer.

    - Et toi Cloud ? Les copains à l’école ?

    - C’est pas mes copains !

    - Parce qu’ils t’ont directement cassé les oreilles ?

    - Ben ouais ! Mais c’était pas très grave, parce qu’à chaque fois qu’ils venaient m’embêter, ou crier, ou me bousculer, je faisais la même chose. Mais en pire !

    - …

    Judie devait-elle être rassurée ? Peut-être bien. En tous cas, si elle tenait à sa santé mentale, il allait lui falloir prendre exemple sur son fils ou monsieur J.

     

     

    D’autant qu’elle allait avoir besoin d’encore un peu de courage dans les prochains jours.

    - Et t’es contente ?

    - Ben bizarrement, oui !

     

     

     


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  • Malgré les apparences, monsieur J aimait quand même beaucoup son fils. Si l’un et l’autre semblaient ne se soucier que de leur façade et du fait d’être présentable et souriant, Cloud n’en restait pas moins la chair de sa chair. Et ça, J ne pouvait en être insensible.

     

    Chapitre 12 - les tambours

     

    Et il le fallait bien, pour contrebalancer un peu de la difficulté du boulot qui commençait à se faire ressentir. Comprenez, le travail en lui-même était gérable par monsieur J, mais sa nouvelle promotion lui imposait un style qui ne le ravissait guère. Alors s’il pouvait trouver un peu de réconfort dans sa famille…

     

    Chapitre 12 - les tambours

     

    D’ailleurs, monsieur J avait beaucoup réfléchi. Ou peut-être avait-il surtout muri, à force de prendre de l’âge et de se construire un vrai foyer. Quoi qu’il en soit, il allait ce jour-là trouver Judie pour lui proposer d’officialiser leur relation.

    - Je sais qu’on ne s’aime pas vraiment d’amour…

    Judie ne fut aucunement surprise, elle-même partageant ce sentiment.

    - Mais je tiens assez à toi pour permettre à Cloud d’avoir une famille solide.

    Elle n’en croyait pas ses oreilles !

     

    Chapitre 12 - les tambours

     

    Même si elle frétillait de joie, Judie avait conscience des « termes du contrat ». Elle accepta avec plaisir !

    - Et ça te convient d’être avec un homme que tu n’aimes pas et qui ne t’aime pas ?

    - On s’aime à notre manière.

    - Ça te suffit ?

    - Oui. On tient l’un à l’autre, même s’il n’y a pas de passion. On aime Cloud, et c’est le plus important. Et puis on est un peu « des amis avec des bénéfices ».

    - C’est-à-dire ?

    - Ben le crac-crac !

    - Ah, évidemment.

     

    Chapitre 12 - les tambours

     

    Si Cloud était ravi de pouvoir se passer des moqueries de ses camarades à cause du statut douteux de ses parents à présent, il restait toujours ce souci récurrent destiné à le rendre fou. Comme son père, il savait répliquer ou très habilement ignorer. Mais à force, ça montait lentement à la tête…

     

    Chapitre 12 - les tambours

     

    Les enfants étaient fragiles. S’il ne faisait pas attention et ne relâchait pas la pression de temps en temps, ça pouvait s’avérer être plus problématique. Mais ce jour-là, ce qui fut délicat, c’était les cris de Judie lorsqu’elle se mit à perdre les eaux… alors que ses deux hommes dormaient profondément. On aurait pu croire que monsieur J, tout nouveau compagnon officiel qu’il était, allait accourir pour accueillir son nouvel enfant. Mais non, les boules Quies faisaient leur effet. Allez, il ne fallait pas lui en vouloir ! Il allait bien avoir le temps le lendemain de profiter de sa fille ! Hé oui, c’était une demoiselle que Judie mit au monde, avec les plus grandes peines possibles. De toute façon monsieur J ne pouvait pas vraiment s’occuper d’un bébé. Les gouzi-gouzi étaient donc reportés au réveil du foyer.

     

    Chapitre 12 - les tambours

     

    Et alors que la petite Seraelle* réclamait sa première tétée, Judie commença à tourbillonner.

     

    Chapitre 12 - les tambours

     

    Madame venait d’atteindre la quarantaine, période dont elle se souvenait comme étant particulièrement désagréable. Elle n’avait pas encore le loisir de s’adonner à des activités dites  « de vieux », et dans son autre vie, on lui avait reproché d’avoir tout raté. Un entre-deux dont elle se serait bien passé dans le Janimju. Mais peut-être qu’elle avait bien changé le cours des choses, cette fois-ci…

     

     

    Chapitre 12 - les tambours

     

    *prononcé "séra-elle" 

     


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  • Pendant les trois jours où Sera n’était qu’un bébé, Cloud avait trouvé une nouvelle occupation : l’enquiquiner. En dehors d’aller à l’école, s’occuper des camarades trop lourds, et faire ses devoirs évidemment. Au moins, ça lui faisait penser à autre chose. D’ailleurs, Sera n’était pas un bébé terrible. Les seules fois où on l’entendait – en dehors des couches remplies et de l’estomac qui grondait -, c’était lorsque son frère faisait mine de lui raconter une histoire incroyable. Peut-être essayait-il aussi de la chatouiller. Allez savoir…

     

    Chapitre 13 - les tambours

     

    Le matin qui suivit cette tendre période, Judie se leva en entendant le berceau faire du bruit. Pas de doute, c’était l’heure ! Tangage™ et étoilage™ étaient au rendez-vous. Et il était inutile de décrire à quel point madame était pressée de connaître sa fille. Qui l’aurait cru ?

     

    Chapitre 13 - les tambours

     

    De toute évidence, si Cloud était le portrait de son père, Seraelle pouvait rassurer sa mère sur la descendance de ses jolis traits.

    - C’était à ça que tu ressemblais, petite ?

    - Ouais.

    - Dis donc, t’aurais pu avoir l’air sympathique si je ne te connaissais pas si aigrie.

    - Parce que je le suis toujours autant ?

    - Pas vraiment. Mais disons que t’avoir connue en mode senior n’a rien aidé.

    - Ouais ben crotte, Sera ne finira pas forcément comme moi.

    - Espérons-le.

     

    Chapitre 13 - les tambours

     

    Comme son frère dormait encore profondément, Sera a profité de la tranquillité de la maison pour rattraper son retard écolier. En tous cas, pour ce qui était de ressembler à Cloud pour son sérieux, il n’y avait pas besoin de les faire se rencontrer pour constater la chose.

     

    Chapitre 13 - les tambours

     

    En revanche, la petite s’accoutumait un peu moins à leur façon de vivre. Certes elle n’avait rien connu d’autre, mais peut-être avait-elle l’impression de ne rien réussir de bon à tout casser sur son passage comme elle le faisait. Le souci ne venait pourtant pas d’elle, mais d’un ameublement de qualité douteuse, on s’en doutait bien.

     

    Chapitre 13 - les tambours

     

    Alors quand il le pouvait, Cloud essayait de la rassurer. Il fallait dire que pour lui, tout allait bien, surtout quand on avait un père tel que monsieur J à qui on ressemblait autant. La maison lui plaisait, il aimait ses parents, les diverses activités pleuvaient à l’intérieur comme autour du terrain, et même ses camarades d’école, qui pourtant lui faisaient toutes les misères du monde, n’arrivaient pas à lui mettre le moral au plus bas. Alors qui de mieux pour encourager Sera à sourire ?

     

     

    Chapitre 13 - les tambours

     


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  • - Bon ! C’est dimanche, faut profiter de notre argent.

    - Et tu vas ajouter des trucs où, exactement ?

    - Ben on va faire un autre étage, nan ?

    - Et ton escalier ?

    - Ben je sais pas, j’vais bouger les berceaux ou le meuble avec le bocal à poisson ?

    - Interdit de bouger les trucs que tu peux pas porter sans grimacer.

    - Sérieux ??

    - Ouais.

    - Bon ben un deuxième sous-sol alors, on n’a pas pris toute la place « disponible » pour le premier.

    - Okay, ça m’va.

    Et c’est comme ça qu’un second sous-sol vit le jour, avec un bar et un tiers du revêtement acheté à cause du budget serré.

     

    Chapitre 14 - les tambours

     

    Le soir venu, il fallait préparer Seraelle à sa rentrée scolaire. Si Cloud s’était déjà occupé de la rassurer et lui expliquer qu’apprendre, c’était bien, il revenait à Judie et monsieur J d’apporter la touche finale à l’édifice. Il fallait quand même avouer que les parents étaient ce qu’il y avait de mieux pour conforter un enfant.

     

    Chapitre 14 - les tambours

     

    Le problème, c’est qu’il fallait aussi lui parler du jeu et de leur besoin de lancer les dés. Pour ne pas lui saper davantage le moral, ils firent passer le Janimju comme un jeu pour enfants avec des conséquences amusantes. Que Sera y ait cru ou non, elle finit par se joindre à la partie, et fit un sept.

     

    Chapitre 14 - les tambours

     

    Sera fit la moue. Qu’avait-elle fait ? Ça ne lui plaisait guère. Déjà qu’elle n’appréciait pas leur environnement, voilà que les bébêtes  allaient se mêler à leur quotidien. Ce n’était pas là une façon de lui redonner le sourire, et ses parents le comprirent bien. C’est pourquoi ils se contentèrent d’hausser les épaules pour ne pas que ça lui paraisse si grave. Bien sûr, ils firent en sorte que Sera évite un maximum de se retrouver face à une nuée de nuisibles volants ou non. Monsieur J prenait beaucoup sur lui, et cachait tant qu’il le pouvait les inévitables piqûres. Mais lorsque les enfants étaient couchés, il en profitait pour faire souffler son corps quelque peu. Et laisser ses doigts s’exprimer.

     

    Chapitre 14 - les tambours

     

    Tandis que Judie s’occupait de l’invasion des bestioles qui ressortaient des canalisations un peu trop souvent à présent.

     

    Chapitre 14 - les tambours

     

    Mais finalement, ça ne l’empêchait pas de gagner une nouvelle promotion. L’envie de persévérer ? D’offrir à sa famille la vie qu’elle n’avait jamais eue ? Certainement. Et avec le sourire, les enfants !

     

     

    Chapitre 14 - les tambours

     


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